Le Myosotis Occitan

Le Myosotis Occitan

Regard sur la Franc Maçonnerie


Statuts protéiformes et justice privée :

Publié le 31 Janvier 2017, 16:45pm

Statuts protéiformes et justice privée :

Le Bureau national de la GL-AMF et sa Chambre de Justice modifient par touches successives les textes de référence, jusqu’à les dénaturer, avec l’approbation des autres instances, aveugles ou complices. Il est temps de les arrêter avant qu’ils ne se constituent un bunker juridique inexpugnable comme ce fut le cas avec les anciens grands maîtres de la GLNF.

 

Exemple n°1 :

Les statuts actuels sont en vigueur depuis l’Assemblée Générale Extraordinaire de Tours qui les a approuvés le 30 novembre 2013.

Ces statuts avaient été présentés auparavant au Conseil de Surveillance (12 août 2013), mais sans le Règlement général qui n’était pas prêt. Le Président-GM Alain Juillet s’était alors engagé devant le Conseil à le lui soumettre au plus tard 3 semaines avant cette Assemblée Générale Extraordinaire du 30 novembre, pour qu’il puisse y être présenté avec les statuts comme il est d’usage (cf. son courrier du 18/08/2013, ci-joint).

Mais il n’en fut rien. Les statuts furent donc soumis le 30/11/2013 à l’Assemblée Générale qui les approuva, sans le Règlement général mais, sans doute pour éviter l’embarras d’une nouvelle Assemblée Générale Extraordinaire, les statuts avaient été enrichis subrepticement d’une disposition qui confie au seul Bureau national (le Président-GM, et 6 membres désignés par lui) l’élaboration de ce Règlement (Statuts, art. 8, Règlement général) :

« Le Règlement général complète les dispositions des statuts et constitutions. Il est élaboré ou modifié par le Bureau National qui présente ses propositions pour avis au Conseil de Surveillance (ndlr: dont l’avis n’est que consultatif) et au Conseil de Grande Loge (ndlr: 6 Assistants-Grand-Maître parmi lesquels est choisi le Président-GM) ». Le texte est ensuite soumis à la validation par le Conseil des Sages (9 membres dont 3 sont nommés par le Grand Maître, 3 par le Conseil de Grande Loge) qui lui donne un caractère exécutoire.

Les membres de ces instances appartiennent à l’exécutif (Bureau national, Conseil de Grande loge), ou bien sont majoritairement nommés par le Président-GM, directement ou indirectement (Conseil des Sages), ou encore n’ont qu’une voix consultative (Conseil de Surveillance). Aussi la multiplication apparente de contrôles est-elle un leurre qui cache l’étroit contrôle exercé par les instances exécutives sur le Règlement Général, lequel échappe ainsi à l’Assemblée générale.

 

C’est finalement 6 mois plus tard (22 mai 2014) que fut diffusé le Règlement général. Et c’est alors que la malice de la manœuvre apparut au grand jour avec notamment la disposition suivante :

« Aucun membre de l’association ne peut, par le moyen de quelque support que ce soit et sous quelque forme que ce soit, émettre auprès de quelque public profane ou maçonnique que ce soit, des propos dénigrant la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française ou l’un de ses membres et d’une manière générale s’interdit toute attitude ou situation de nature à troubler le fonctionnement de la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française ou de porter atteinte à son image ou à sa réputation ainsi qu’à celle de ses membres » (cf. Règlement général, art. 7, Expression et communication).

Ce texte appelle plusieurs observations :

La première observation est que cet article n’a pas de lien avec une disposition des statuts alors que ceux-ci prévoient explicitement que le Règlement Général « complète les dispositions » des statuts (cf. art. 8). Nous sommes ainsi devant une disposition du Règlement général orpheline de toute disposition statutaire, et donc illégitime et abusive.

La deuxième observation est que cette disposition, qui interdit de communiquer sauf pour se féliciter, ne laisse aucun place à la dénonciation d'anomalies ou de dysfonctionnements lorsque une approche hiérarchique ou personnelle et directe reste sans effet. Elle est quoiqu'il en soit contraire à la liberté d’opinion, d’expression, et d’information garantie par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 dont la France est signataire : « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit » (art. 19). Devant la clarté de cet article, le poncif de la discipline librement acceptée par les membres, régulièrement servi par la gouvernance, est sans effet puisque dans une association la seule discipline librement acceptée est définie par les statuts et par les textes légitimement issus des statuts pour préciser leurs dispositions.

La troisième observation concerne le terme « propos dénigrant » : il eut été plus clair de parler de propos calomniateurs ou diffamatoires, mais les rédacteurs ne l’ont pas souhaité, sans doute parce que dans un tel cas il est nécessaire de démontrer le caractère mensonger des propos avant de pouvoir les incriminer. Cette obligation est moins nette avec une terminologie vague et subjective telle que « propos dénigrants ». N’importe qui en effet peut s’estimer « dénigré » par rapport à l’idée qu’il se fait de lui-même et, dans notre cas, un dirigeant critiqué peut invoquer cette disposition du Règlement général devant la Chambre de Justice, confiant dans un arbitrage « à domicile » (cf. ci-dessous: Exemple n°3).

Ce n’est pas là une hypothèse improbable : c’est en effet précisément ce qu’ont fait l’ancien Président-GM Claude BEAU (ordonnance 67 du 4 avril 2016), puis le Grand Orateur Thierry BRÉZILLON, érigé en procureur, et aussi la Chambre de Justice dont le Président, Christian HUGLO, a prononcé et confirmé une condamnation pour propos dénigrants (Jugements 2016-16 des 14 septembre 2016 et 11 janvier 2017). Tous ont invoqué cet article 7 du Règlement général dont le rédacteur, Marc, est l’un des leurs, sans s’interroger trop sur la légalité de cet article, ni sur les faits dénoncés dont ils n’ont pas un instant cherché à apprécier la réalité.

Merci à eux de nous avoir montré, si clairement, qu’avocat et magistrat ne sont pas un même métier, et que la différence leur en échappe.

 

Exemple n°2 :

Nos statuts prévoient (31.4, §4) : « … tout membre de l’Association qui envisage une action judiciaire à l’encontre de l’association ou de l’un de ses membres doit impérativement en informer la Chambre de Justice par LR/AR au moins un mois avant l’introduction de toute instance, et ce, afin de permettre une recherche éventuelle de conciliation ».

Cette sage disposition de nos statuts a été débordée par un Règlement particulier de la Chambre de Justice (cf. ce règlement, p.2, §3), écrit par cette instance pour elle-même et sans doute approuvé par les autres instances, qui a prolongé sans explication la disposition statutaire de la façon suivante : « … Le plaignant doit saisir la Chambre de Justice par requête écrite motivée …/… à laquelle il doit joindre son projet d’Acte de procédure … /… Cette requête est adressée à la Chambre de Justice qui statue ».

Ainsi les juristes de la Chambre de Justice ont-ils ici transformé le devoir d’information préalable, prévu par nos statuts, en une requête qu'ils peuvent rejeter. Et ils exigent que le dossier de procédure du plaignant leur soit soumis, ce qui leur permettra de s'opposer à un recours à la Justice de la République s'ils estiment leur position vulnérable !

Et là encore, il ne s’agit pas d’une hypothèse improbable puisque, par jugement n° 2016-15 du 11 mai 2016, la Chambre de Justice a bien rejeté une telle « requête » à la demande du Grand Orateur Thierry BREZILLON, représentant le Président-GM Claude BEAU, au prétexte qu’elle n’était pas accompagnée du dossier de procédure prévu par son Règlement particulier ; peu importe les statuts, ce Règlement « particulier » est selon eux opposable à tous les membres, même dans des dispositions non prévues aux statuts, cette instance en ayant décidé ainsi (cf. son art. 11)  : « Le présent Règlement particulier …/… sera opposable à tous et applicable aux instances en cours dès sa publication sur le site informatique de l’Obédience » .

 

Exemple n°3 :

C’est encore cette Chambre de Justice, emmenée par le VF Christian HUGLO éminent juriste, qui nous fournit ce troisième exemple :

Cette instance judiciaire, capitale dans le fonctionnement de notre institution éprise d’éthique et soucieuse de justice, ne manque pas, dans le Préambule de son « Règlement particulier opposable à tous », d’afficher son indépendance : « La Chambre de Justice …/… applique les principes du procès équitable, à savoir plus particulièrement le respect du contradictoire et la motivation des décisions rendues par des juges indépendants et impartiaux ».

Mais cette noble posture apparaît toute relative si l’on poursuit la lecture de ce règlement qui précise plus loin et avec le même aplomb (p. 6, §4) : « Compte tenu de l’importance qui peut s’attacher à une question de Principe ( ?), le Président de la Formation de Jugement, après avis de la Chambre de Justice, peut communiquer le Rapport à l’Orateur de l’Obédience, représentant le Grand Maître, et l’invite à donner son avis et ses conclusions à l’audience à laquelle l’affaire sera appelée : ce pouvoir est discrétionnaire » (sic).

Cette disposition, invraisemblable, qui en toute simplicité remet en question l’indépendance de la Justice, n’a pas choqué les différentes instances (Conseil de Surveillance, Conseil de Grande Loge, Conseil des Sages) invitées à vérifier, et à valider ce Règlement décidément très particulier.

 

Conclusion :

La manipulation des statuts et leurs nombreux contournements, par le Bureau National via le Règlement général, puis par les Règlements « particuliers » (il y en a d'autres), sont révélateurs d’une intention suivie et déterminée de verrouillage de la liberté d’expression, et d’une perversion autoritaire de notre institution par ceux-là mêmes auxquels nous l’avons confiée, et de la trahison de l'espoir de Renaissance dont notre GL est porteuse.

Au cœur de la GL-AMF s’est constitué un appareil de pouvoir qui n’est pas à son service mais à celui de quelques apparatchiks qui s’identifient abusivement à elle, et qui aménagent les textes à leur convenance pour couvrir leurs manœuvres et se protéger les uns les autres contre toute remise en cause.

Cela fonctionne actuellement parce qu’ils ont l’habileté d’utiliser les textes qu’ils ont forgés pour se défendre, seulement contre ceux qui les dénoncent, tout en veillant à ne pas troubler la tranquillité du plus grand nombre, qui se contente de les ignorer aussi longtemps que sa liberté au quotidien n’est pas remise en question. Mais nous ne cesserons pas de les dénoncer, et l’avenir dépend du Président-GM Dominique MOREAU : attributaire de sa charge par défaut de son prédécesseur, il devra démontrer qu’il n’est pas l'otage, étroitement surveillé, des apparatchiks nommés par un autre, ni leur complice.

La tranquillité dont il a fait montre à l’endroit de nos statuts, estimant que le toilettage léger qui lui semblait suffisant pouvait attendre, n’incite pas à l’optimisme. Espérons qu’il aura à cœur de nous rassurer rapidement et que le Conseil de Surveillance, dont les membres sont désormais les seuls élus des loges au sein de la GL-AMF, saura l’y inciter.

 

Pierre Lanjuin, GL-AMF 2677

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
R
Prions et espérons<br /> Michel 13592 GLNF
Répondre
T
les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent
Répondre

Archives

Articles récents