La souveraineté des Maîtres

Publié le 2 Août 2017, 17:07pm

En Maçonnerie, nulle autorité n’est supérieure à celle du Maître. Au-dessus du Maître il n’y a rien. Celui qui dirige les Travaux de la Loge n’est rien de plus que les autres Maîtres et leur doit l’accomplissement de sa fonction. Un Grand Maître n’est lui-même qu’un délégué des Maîtres et c’est en leur nom et sous leur contrôle qu’il gouverne une fédération de Loges.

Un gouvernement maçonnique ne possède d’ailleurs aucun pouvoir par lui-même. Il est l’exécuteur pur et simple de la volonté de ses commettants et son rôle se borne à la gestion des intérêts collectifs. Mais les Loges n’ont aucune impulsion à recevoir d’une administration commune. Si elles éprouvaient le besoin d’être dirigées, c’est qu’elles ne seraient encore que des embryons de Loges, des ateliers ne sachant pas travailler par eux-mêmes, d’où nécessité de les diriger et de les tenir en tutelle.

Il n’en sera jamais ainsi d’une Loge véritable que gouvernent les Maîtres animés de l’esprit d’Hiram, car le travail n’y chômera jamais et il portera tous les fruits qu’on est en droit d’espérer, en dehors de toute stimulation extérieure.

La Loge autonome est le seul organisme fondamental de la vie maçonnique. Ce sont des Loges travaillant maçonniquement qui constituent entre elles la Maçonnerie Universelle, dont les Grandes Loges et les autres juridictions ou puissances maçonniques ne sont parvenues, depuis 1717, qu’à compromettre l’existence, en multipliant les dissensions et les schismes. Or la vraie Maçonnerie ne comporte pas de division, car il est de son essence d’être unie. Mais l’unité maçonnique n’est réalisable qu’entre Loges libres, non assujetties aux législations arbitraires de groupements locaux. S’il convient aux Loges de former entre elles des confédérations, il leur est loisible de se soumettre à une commune obédience ; mais un groupe de Loges ne peut légiférer que pour son propre compte et n’a pas le droit de juger d’autres groupes analogues. Qui condamne autrui se condamne soi-même, en s’excluant de l’universalité : C’est là une loi nécessaire, bien que trop souvent méconnue, de la pure et authentique Franc-Maçonnerie.

Il importe donc que les Maîtres préposés à la direction et au gouvernement des Loges aient conscience de leur souveraineté, dont ils doivent se montrer jaloux. Ils n’ont à obéir qu’aux décisions prises dans l’intérêt commun, et doivent formellement refuser de subir des fantaisies législatives contraires à l’esprit maçonnique.

Sous ce rapport le véritable Maître sait juger, ou sa réception au troisième degré n’a été qu’une grotesque simagrée. Celui en qui Hiram a trouvé un corps devient réellement Maître en maçonnerie et ne s’incline devant aucun commandement ; l’esprit recteur de l’institution est en lui, et l’inspire dans tous ses actes de souveraineté.

Mais il est difficile d’être Maître ; aussi les Loges qui se sentent dirigées à tâtons cherchent-elles au dehors la direction absente à l’intérieur. Elles se subordonnent alors à une « Obédience », ce qui est la négation même de la Franc-Maçonnerie, suprême école de Liberté.

L’idéal vers lequel nous devons tendre étant ainsi formulé sans réticence, il importe de rappeler, qu’en pratique, l’acceptation d’une discipline rend seule possible la collaboration. Il est donc plus sage de se soumettre à une règle critiquable, que de prétendre n’agir qu’à sa tête. Le véritable Maître saura discerner et n’agira qu’en s’inspirant du bien réel de l’Ordre. Il n’oubliera d’ailleurs jamais le respect que tout initié doit à la loi, si imparfaite soit-elle.

Oswald Wirth

La Franc-Maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes

Sa philosophie, son objet, sa méthode, ses moyens

« Le maître » 1931