Le Myosotis Occitan

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Regard sur la Franc Maçonnerie


Regard sur la F.M. (5/8) - Le Verrou

Publié par Bruno Martin sur 20 Septembre 2013, 08:49am

5/8

Le Verrou

 

Cette normalisation de la F.M. traditionnelle, entérinée en 1813, ne s’arrêtera pas à la mise en scène de la réception, de l’initiation, et de la transmission dans les LL de métiers.

Au milieu du XVIIIème siècle (à partir de 1740), les rites maçonniques se multiplient, l’on en comptera un moment une centaine, chacun ayant à cœur de concrétiser et parfois de revendiquer pour son compte les nombreuses spéculations dont le travail des LL enrichit alors la symbolique maçonnique. De nouvelles instances apparaissent pour réguler ce foisonnement aux côtés de la GLLW. Ces instances se consacrent exclusivement à l’élaboration des scénarios initiatiques (les rituels). Leur positionnement dans l'organisation de la F.M. est un moment en concurrence avec les obédiences, mais les rôles respectifs sont précisés et elles obtiendront le monopole de la mise en scène, en contrepartie d’une allégeance aux GGLL régulières et reconnues. Les initiatives les plus fantaisistes disparaîtront. Celles qui ont survécu se sont érigées en «juridictions ordinales» de rites, autonomes, mais sujettes à leur rattachement à des GGLL. Il en reste aujourd'hui une vingtaine qui se différencient par l'inspiration et le cheminement symboliques, dont la moitié et plus ne peut plus prétendre à une population significative de pratiquants.

Ces juridictions de rites sauront se montrer utiles, notamment pour répondre à une situation nouvelle inattendue parce que inconnue chez les opératifs, une situation à laquelle les spéculatifs qui n’ont pas tous en eux les ressources pour animer la réflexion, vont devoir faire face: l’ennui. Les FFMM spéculatifs n’ont pas le même sentiment de l’œuvre. Ils n’éprouvent pas cette plénitude faite de fatigue, et de joie du pari réussi, qui accompagne son achèvement, ni l’appréhension devant un nouveau défi, qui rythmaient la vie des chantiers. Ayant, en quelques années, accédé à la maîtrise, ils estiment avoir fait le tour de la question. Ils désertent les LL. Il faut les impliquer mais, même si la hiérarchie est lourde, et nombreuses les charges gratifiantes, cela ne suffit pas, il faut aussi les occuper. Les «juridictions» proposent alors d'accompagner une poursuite du processus initiatique dans des ateliers dits de «hauts grades».

Ces nouveaux organes développent, après la Maîtrise, une démarche dite de «perfectionnement». Enrichie d’autres traditions, ésotériques, alchimistes, kabbalistiques, chevaleresques ou spiritualistes, dont quelques unes avaient déjà côtoyé les opératifs, cette démarche se propose d’expliquer en la segmentant pédagogiquement la Loi «unique et multiple» qui régit la société des hommes. Mais dans le même temps cette démarche devient sa propre finalité, se satisfaisant de son érudition et abandonnant toute ambition d’améliorer la société qu'elle décrypte.

En effet, cette démarche est personnelle et contemplative, et aussi intéressante soit-elle par ailleurs, elle apparaît hors sujet par rapport à l’objectif d’une fraternité universelle cimentée par les métiers et le travail de la « pierre ».

Le cheminement de la matière vers l’esprit est sans doute inscrit dans l’évolution, mais ces nouvelles instances donnent à penser que l’initiation ne saurait être accomplie avec les seuls grades «des métiers», que les MM des LL de métiers sans doute ne seraient pas en mesure de faire face aux exigences du perfectionnement, et elles prétendent le poursuivre et l’encadrer au-delà de la maîtrise des métiers.

Ainsi se constitue une sorte d’aristocratie maçonnique, hiérarchisée en dizaines de degrés propre à alimenter longtemps l’imagination des FF, à les flatter et à les retenir, et très éloignée de l’humilité recommandée aux initiés. Les FF y cherchent en eux-mêmes une Vérité qu’ils s’interdisent d’attribuer à des constructions humaines, via des étapes initiatiques surajoutées. Il n’est pour autant pas interdit de penser que, réunis en ateliers dédiés, les MM de LL bleues auraient pu poursuivre avec la même compétence, mais plus humblement, une quête par définition jamais aboutie, et donc au sens propre «infinie».

Cette organisation présente une analogie avec l’implantation au XXème siècle en Occident des arts martiaux nés en Orient, dont l’objet était de compenser par un talent pugilistique un rapport de force brute défavorable. Ces disciplines, qui exigeaient une grande humilité devant l’enseignement, et une abnégation totale de l’élève dans un effort absolu sans récompense concrète pendant des années, jusqu’à la reconnaissance finale jamais annoncée des MM qui accueillaient un jour parmi eux le nouveau M.

La mentalité occidentale ne se prêtant pas à cet effort absolu, sans échelle, ces disciplines n’eurent d’abord guère de succès en Europe. Jusqu’à ce qu’une fédération sportive ait l’idée de sanctionner les progrès en les balisant par des grades matérialisés par des ceintures de couleurs différentes, avec des «examens de passage», pour la plus grande satisfaction des esprits peu à l’aise dans l’infini de l’abstraction, ou trop peu déterminés, pour attendre la reconnaissance ultime des MM. Et ces disciplines, dont notamment le judo, connurent alors le succès que l’on sait. 

Il semble bien que la même imagination pédagogique ou managériale se soit manifestée lors de la mise en place de nos ateliers «supérieurs».

Quoiqu’il en soit, la GLUA est, dès lors, leader d’une organisation internationale de GGLL qui se développe pays par pays dans le monde. Elle contrôle directement les GGLL régulières et reconnues, et indirectement les pratiques initiatiques via les juridictions intégrées à son schéma d’interdépendance, lesquelles rappelons-le ne peuvent exister indépendamment d’elle ou de l’une des GGLL reconnues par elle.

Il y a longtemps alors que la GLUA et les juridictions satellites ne sont plus au service de l’objet affiché de libération de l’homme par la Fraternité, la Tolérance, l’enrichissement par les différences de chantier en chantier. Et longtemps que, bien au contraire, elles ont imposé et dogmatisé leur déviance. En donnant le jour à la F.M. obédientielle, ces instances sont devenues leur propre finalité (cf. "L'Astre noir et dévorant de la F.M. obédientielle", http://ddata.over-blog.com/3/72/30/47/l-astre-noir-et-devorant-de-la-maconnerie-obedientiell.pdf).

Depuis, les FFMM spéculatifs «réguliers et reconnus» cultivent à leur idée les symboles hérités des opératifs. Mais l’on s’aperçoit que cette F.M. pétrifiée tourne sur elle-même, qu'elle ne peut plus progresser humainement parce que les FFMM ne travaillent plus la matière. La matière qui, par sa résistance aux outils et par la perception de l’œuvre accompli, ne mentait pas. Mieux que tout autre arbitre elle pouvait affirmer l’avancement du Maçon dans la maîtrise, ou son échec, et lui permettre de se perfectionner.

Devenus «spiritualistes», parce que c’est dans l’analyse introspective que résidait dorénavant leur seule carrière, les FFMM dits «réguliers et reconnus» affichent des idéaux de vertu inspirés des anciens devoirs de la Fraternité maçonnique, mais, exonérés des contraintes de la matière ils se livrent à un exercice intellectuel, mystique et personnel, encadré par la seule forme, refusant même les problèmes de la cité qui constitueraient pourtant la matière résistante nécessaire et le lieu propice à l’exercice de «l’Art royal».

La porte s’est refermée sur les LL, où l’on tourne à vide en parlant de soi. Comment la F.M. a-t-elle pu à ce point perdre de vue son objet même et idolâtrer ses outils ?

AC-FM

à suivre

 

6ème partie

Le clivage

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