Le Myosotis Occitan

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Regard sur la Franc Maçonnerie


Un certain regard sur la F.M. - Chap 1 " La F.M. contemporaine en France "

Publié par le sur 16 Février 2017, 11:33am

Un certain  regard sur la F.M. - Chap 1 " La F.M. contemporaine en France "

 

En ce début de XXIème siècle la confraternité maçonnique dite « franc-maçonnerie » présente, en particulier en France, deux grands courants qui revendiquent avec la même vigueur la pratique des vertus affichées par la franc-maçonnerie universelle, la Fraternité, la Tolérance, la Liberté, et l’éveil à un niveau supérieur de conscience. Un éveil auquel on accède via une initiation à l’issue de laquelle le franc-maçon est dit « né libre ». C’est-à-dire que l'homme ayant pris conscience des aliénations qui l’entravent, il lui appartient de les combattre, et sa liberté ne tient plus désormais qu’à lui.

D’abord « opérative », la Franc-Maçonnerie était au Moyen-âge une guilde de tailleurs de pierres dont les membres bénéficiaient de l’aura attachée depuis l'antiquité à ceux qui construisaient des édifices monumentaux et quasi indestructibles, et qui jouissaient d’un statut particulier qui leur garantissait la franchise de taxes et de servage. Dans l'Europe médiévale, les francs-maçons vont et viennent au gré des chantiers et participent à l’évolution de l’architecture et des techniques qu’ils importent et exportent. Ces échanges s’étendront jusqu’au Moyen-Orient avec les allées et venues des Templiers, ces moines soldats et bâtisseurs qui en alimenteront le flux pendant les croisades des XIIème et XIIIème siècles, poussant l'architecture européenne du lourd roman vers le gothique puis vers le flamboyant des dernières cathédrales.

Ainsi les francs-maçons opératifs resteront-ils, pour l’histoire, des « bâtisseurs de cathédrales », artisans talentueux organisés en loges de métiers, et jaloux de leur savoir faire qu’ils protégeaient par un sens du secret devenu proverbial. Les loges se constituaient, se dispersaient et se reconstituaient en fonction des chantiers auxquels les différents corps de métiers étaient appelés, et c’est en raison de leur exonération du servage et des péages que les massons, ou maçons, furent dits « francs ».

Mais, les chantiers monumentaux, essentiellement votifs, se raréfieront sous des influences successives. D'abord l’évolution humaniste de la Renaissance italienne qui atteignait la France et l’Angleterre (XVème siècle) ; puis la Réforme luthérienne qui met en question la chrétienté romaine idolâtre et ses indulgences, et avec celles-ci les fastes et les réalisations monumentales supposées les mériter. Les guerres et persécutions qui s’ensuivirent déstabilisèrent l’Europe (XVIème et XVIIème siècles) et tout concoure alors à l’émergence d'une pensée critique et d'une approche rationnelle de la place de l'Homme, qui vont ouvrir la voie aux Lumières du XVIIIème siècle. C'est le début de la fin pour les croyances superstitieuses, et avec elle la fin des monuments par lesquels l'homme avait tenté de s'attirer les grâces des dieux qu'il avait imaginés.

S'adaptant aux nouvelles réalités, la confrérie maçonnique se dispersa peu à peu, évoluant pour partie vers le compagnonnage. Mais nombre de loges, liées au-delà du travail par une solide tradition de fraternité, continuèrent de se réunir, souvent dans de simples tavernes, se transformant alors en clubs qui s’ouvrent à des tiers étrangers à leurs métiers. Ainsi, des magistrats, des fonctionnaires, des intellectuels, des « clercs » mieux avertis de l’ère du temps qui seront « acceptés » dans les loges et qui vont les ouvrir sur la société du siècle. Les échanges élargis, conviviaux, philosophiques, puis sociétaux et politiques, remplacent alors progressivement les discussions de chantier, conservant toutefois la mythologie biblique dans laquelle ils plongeait leurs racines et puisaient leur inspiration.

Les francs-maçons du XVIIIème siècle, qui se veulent les héritiers de cette ancienne fraternité de tailleurs de pierres animés d’élans mystiques, ne lancent plus alors de monuments mais échafaudent des constructions métaphysiques inspirées du travail sur la pierre, symbole du chef d’œuvre qui, par le travail, peut naître d’un matériau brut transformé et assemblé.

C’est ainsi que, devant la brutalité du temps et des conflits dans lesquels les conduisent les princes, nos francs-maçons vont se livrer à des spéculations audacieuses, jusqu'à développer la vision d’un monde nouveau, individuellement libre et fraternel comme eux, et collectivement harmonieux à l’image d’un temple universel dont le matériau n’est plus la pierre mais l’homme. Chaque franc-maçon contribuant à l’édification de ce temple par son propre perfectionnement et par son exemple au sein de la société des hommes. L’ancrage mythologique renvoie au Temple de Salomon, symbole de sagesse dans l’organisation de sa construction, comme de sa reconstruction après sa destruction, et de la perfection dans son hypothétique finition. Une perfection, dite ici « hypothétique » parce qu'inaccessible pour l'homme dont le but n’est pas d'être Dieu mais de tendre vers lui. La discipline en sera raffinée puis ritualisée et transmise de génération en génération à « des hommes jugés aptes à la recevoir » pour concourir au « grand œuvre » de l’humanité.

Cette continuation de la franc-maçonnerie sous une forme virtuelle, qui sera dite « spéculative », se développe et se structure territorialement, pour la première fois en 1717 à Londres : plusieurs loges se regroupent alors au sein d’une structure commune qui prend le nom de : « Grande loge de Londres et de Westminster ». Des statuts dits « d’Anderson » (1723, 1ère version), élaborés par les révérends Désaguliers et Anderson retracent les mythes originels et encadrent la démarche maçonnique. Ils en énumèrent les exigences modernes résumées dans la formule « homme libre et de bonnes mœurs », ainsi que le franc-maçon aime depuis à se qualifier. Le rassemblement des loges au sein de grandes loges, territoriales ou thématiques, s’imposera progressivement, puis définitivement un siècle plus tard, toujours depuis l’Angleterre, avec la fondation en 1813 à Londres de la Grande Loge Unie d’Angleterre (GLUA).

La générosité des idéaux affichés et la fraternité qui unit les francs-maçons éveille la curiosité de l'aristocratie, et le brassage social attire les classes moyennes cultivées, confrontées aux conflits européens des XVIIIème et XIXème siècles et sensibles aux idées nouvelles et aux « humanités » issues de la Renaissance. La franc-maçonnerie spéculative se propage alors dans toute l’Europe, puis au-delà, via les empires coloniaux français et britannique.

C’est ainsi que la franc-maçonnerie opérative médiévale, vouée à s’éteindre, se réinventa sous une forme nouvelle, développant une réflexion métaphysique qui la conduira à transposer à l’esprit des hommes les enseignements tirés des contraintes de la matière et le génie des outils qui permettent de la transformer. Et c’est sous le regard bienveillant de l’Eglise anglicane et de la monarchie anglaise, voire avec un petit coup de pouce de leur part, que la nouvelle démarche va prospérer.

Mais les héritiers des francs-maçons opératifs ne tirèrent pas tous des enseignements identiques des informations puisées à cette même source :

Certains héritiers, rangés derrière la GLUA, restent alignés sur les bonnes fées qui se sont penchées sur leur berceau et revendiquent une démarche sacrée, inscrite dans la foi en Dieu, « Grand Architecte de l’Univers », qu'ils invoquent et auquel ils dédient les travaux de leurs loges. La GLUA élaborera ainsi une règle en 8 « basic principles » issus, selon elle, d’anciens devoirs des francs-maçons opératifs (old charges), s’interdisant en outre d’aborder des sujets politiques ou religieux comme d’associer à ses travaux des non initiés (dits « profanes »), ou des femmes, ou encore des francs-maçons qui ne se conformeraient pas à ces obligations et interdits.

Pour maîtriser la propagation internationale de la démarche, la GLUA met en place un système de reconnaissance bilatérale avec, pour chaque pays, une seule grande loge reconnue par elle sur des critères privilégiant strictement les applications conformes à son interprétation de la tradition maçonnique. Depuis, la notion de « Régularité » maçonnique qualifie des pratiques maçonniques conformes à la Règle édictée par la GLUA, et la notion de « Reconnaissance » son lien avec les grandes loges reconnues par elle.

D’autres francs-maçons, notamment en France, se réclamant du même héritage des « bâtisseurs de cathédrales », sont plus réservés quant à un a priori divin, et plus séculiers dans leurs choix. Ils sont spiritualistes, soit théistes mais hors influence de la GLUA, soit déistes ; ou bien ils sont a-dogmatiques mais revendiquent une spiritualité dont ils n'abandonnent pas le monopole aux religions.

Ils travaillent de façon sensiblement identique et sont même parfois réguliers selon les basic principles, mais la GLUA ne les « reconnaît » pas, soit parce qu’une autre Grande loge est déjà reconnue par elle dans leur pays, soit pour quelque autre raison diplomatique liée à la gestion du réseau ainsi constitué. Leurs loges sont également regroupées en grandes loges mais sans assujettissement à un quelconque leadership. Mais surtout, et notamment en France, nombre de ces « autres francs-maçons » se distinguent de la GLUA en ce qu’ils s’efforcent de n’exclure aucun sujet de leurs travaux, et ne s'interdisent donc aucun sujet ni politique ni religieux,  et aussi en ce qu’ils considèrent la Foi comme un choix intime qui ne saurait être imposé par une règle. Ils laissent donc chacun libre sur le point de la foi religieuse, et refusent de dédier collectivement leurs travaux à Dieu, fût-il rebaptisé Grand Architecte de l’Univers. Ils reçoivent dans leurs temples tous les francs-maçons, quelle que soit leur appartenance, dès lors qu’ils les reconnaissent comme tels, c’est-à-dire « nés libres (initiés), et de bonne mœurs ».

Même s'ils restent extrêmement frileux quant à l'idée de mixité, ne s'ouvrant que difficilement aux femmes, ces « autres francs-maçons » étant sur ces différents points en contradiction avec les règles édictées par la GLUA, ne sont pas « reconnus » par elle et son « irréguliers » selon sa règle.

Un clivage donc entre des branches issues des mêmes racines et du même tronc, dont l'une se prétend la seule continuation, se référant à des critères qu'elle a elle-même fixés ; dont les « autres », qui explorent le siècle et les différences, condamnent l'ostracisme et le confinement archaïque, mais persistent à rêver de sa reconnaissance.

Mais, s’en tenir à ces seuls constats serait réducteur, parce qu'il reste des questions de fond à renseigner :

Comment un projet aussi ambitieux que le perfectionnement moral de l'humanité a-t-il pu enliser aussi vite les idéaux de Liberté, de Fraternité, de Tolérance qu'il portait, dans une banale querelle des anciens et des modernes ? Comment la Franc-maçonnerie a-t-elle pu rester inaudible devant les grandes catastrophes contemporaines du XXème siècle et la montée du nazisme et aujourd'hui de l'intégrisme, s'en remettant à l'Histoire pour en démonter les mécanismes au lieu de le faire quand les symptômes se sont transformés en évidence.

Qui sont, et que sont, ces francs-maçons, qui n'ont pas su lâcher la truelle pour sortir l'épée quand cela eut été nécessaire ? Et, en l'état, la Franc-maçonnerie spéculative est-elle utile à l’objet qu’elle prétend servir ?

C'est ce que nous vous proposons de regarder ensemble au long de quelques réflexions à suivre ...

Antoine Collange

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