La Reconnaissance a été la caution de Stifani, il en a largement usé comme d’un atout majeur pour imposer les pouvoirs que lui et ses prédécesseurs, Foellner et Charbonniaud, s’étaient aménagés. Ils ont ainsi pu draper de légitimité leurs dérives financières et politiques, et aussi les exactions auxquelles il se sont livrés contre les FF qui protestaient contre le détournement d’objet de la GLNF.
Après 15 ans de ces dérives, au cours desquelles elle ne s’est pas émue d’une situation qu’elle ne pouvait pas ignorer, la GLUA a commencé à réagir quand les FF de la GLNF qui refusaient de voir leur obédience dénaturée et déshonorée, mais privés de moyens internes d'action par le verrouillage institutionnel et le silence de « l’autorité de tutelle », ont porté sur la place publique les turpitudes que la gouvernance de la GLNF cachaient derrière le secret maçonnique.
Deux années de déchirements encore, avant que la GLUA se risque à quelques prudentes mises en garde, et enfin, le 12 septembre 2012, après presque 3 ans, elle annonce le retrait de la reconnaissance de la GLNF.
Une mesure certes clairement exprimée, mais accompagnée de commentaires tellement alambiqués pour en minimiser l’effet que Servel, le dernier avatar en date du régime inique de Pisan et des FF de la Côte, peut rebondir en invoquant le travail de reconquête de cette sacro-sainte Reconnaissance. Sans même attendre sa ratification en qualité de GM par l'AG, qui doit lui sembler acquise, il s'adresse aux FF de la GLNF, s’estimant personnellement encouragé par le communiqué de la GLUA.
Ledit communiqué (lien) explique les motivations de la décision, lesquelles, étonnamment, ne sont pas les dérives financières et politiques, ni les exactions des dirigeants de la GLNF à l’encontre de leurs propres FF, mais la présence d’un Administrateur judiciaire non FM, et la création par les FF n’ayant plus d’espoir de réhabiliter leur Obédience, d’une nouvelle GL créant une situation de confusion (sic). Le désordre (la confusion) serait donc dans la contestation ou l'évitement d'un pouvoir inique plus que dans l'exercice de ce pouvoir.
Je regrette que le communiqué de la GLUA évacue le fait que la nouvelle GL, forte aujourd’hui de plus de 10.000 FF et de 500 LL, a d’abord été créée pour accueillir les FF évincés contre leur gré par des dirigeants félons de la GLNF pour avoir combattu leurs dérives et leur violence, lesquelles sont, quoiqu’en veuille la GLUA, à l’origine des troubles.
A ce stade, une question se pose : que cherche la GLUA ? Quelle est son autorité réelle, et par suite, quelle est son utilité ?
Ce qu'elle cherche paraît évident: c'est l'ordre, fût-ce au détriment de la justice. Mais ceci ne correspond pas aux promesses de la FM.
Son autorité, morale bien sûr, est réelle, et aussi réels sont ses moyens d’action avec la sanction de la reconnaissance et le contrôle des hauts grades de certains rites. Pourquoi alors ne s’est-elle pas manifestée plus tôt ? On dira que c’est du fait même de cette autorité, et de son leadership, qu’elle s’impose une grande prudence dans ses initiatives? Sans doute, mais le danger est aussi grand en cas d’attentisme, et c’est bien cet attentisme, qui a donné à Stifani le loisir de jouir du patrimoine des FF et d'exécuter ses sales besognes en toute impunité, que nous devons les déchirements publics et le désastre de la GLNF. Les FF protestataires ayant été dans l’intervalle évincés, et des milliers d’autres, écoeurés de voire leurs idéaux piétinés par ceux qui les incarnaient étant partis, les vestiges de la GLNF sont rendus aux prédateurs qui n'ont pas lâché leur proie, et qui vont faire état des circonvolutions oratoires de la GLUA pour ériger cet événement en symbole de leur résurrection.
Son rôle apparaît dès lors néfaste: ce qu'il en restera, c'est que la GLUA nous a ignoré lorsque nous combattions les prédateurs, et qu'elle intervient maintenant que le combat est fini, pour servir aux fossoyeurs de la GLNF des arguments sur lesquels rebondir pour retenir une fraternité crédule.
Une autre question se pose alors : n’était-ce pas là le but poursuivi pour débarrasser la GLNF des membres « querelleurs », un peu trop exigeants sur le respect des valeurs professées, de façon à la rendormir pour un nouveau somme d’un petit siècle. La seule finalité étant l’ordre immuable et le contrôle des rêveurs idéalistes pour que le désespoir ne les conduise pas à des extrémités déstabilisantes pour les pouvoirs temporels.
C’est ce que le communiqué de la GLUA permet de penser.
Alors ? la F... M... opium du peuple, elle aussi ? Hélas !
La GLUA jouit toujours d'une autorité morale, mais si elle s'exempte de l’assumer, sous le prétexte de ne pas se mêler des affaires des autres, ce qu’elle fait néanmoins en ciblant sa reconnaissance, puis en intervenant pour relativiser la défaite des félons, elle n’est plus à la hauteur de la place que l’Histoire lui avait réservée.
L'avenir peut-il se dessiner sans elle? Des éléments mis en évidence par la crise de la GLNF permettent d'y penser:
- La confusion entre Régularité et Reconnaissance a été entretenue, et nombreux sont encore les FF qui n’ont pas reçu l’enseignement approprié pour faire la différence. Le communiqué de la GLUA ne l’explique pas mais il a le mérite de souligner une différence : la Régularité relève du travail, elle n’est pas remise en question par la Reconnaissance, laquelle est un privilège consenti par une institution humaine et faillible ;
- Ainsi, des prédateurs ont-ils pu tirer une légitimité de leur Reconnaissance par la GLUA, alors que des hommes libres et de bonnes mœurs et FFMM réguliers, dont personne ne conteste la qualité du travail, se sont vus refuser cette reconnaissance. Les FFMM qui souhaitent La Reconnaissance de la GLUA comme gage d’universalité maçonnique sont invités à aller grossir les rangs de l’Obédience que celle-ci aura choisie, fût-elle dirigée par un ramassis notoire de voyous et d’affairistes ;
- Par voie de conséquence, face à la perte d'une référence morale, nous revenons à nos marques non plus historiques mais spirituelles et humanistes. La seule reconnaissance qui vaille est celle des FFMM par des FFMM, qui se reconnaissent mutuellement pour tels, et des LL par les LL, réunies en GGLL ;
- La tradition se transmet par le symbole, par l’esprit, mais la F...M... est néanmoins dans le siècle, et sa tradition tient compte des impératifs de la société humaine vivante et pratique dans laquelle les FFMM inscrivent leur démarche. L’unité de temps n’est plus aujourd’hui la même qu’en 1723, et l’armure qui autrefois protégeait les chevaliers, les ralentit aujourd’hui sans les protéger, de même que l’apparat des princes relève plus des pratiques désuètes propres à faire rêver les foules, que de la tradition et des enseignements du passé sur lesquels les initiés fondent l’avenir.
Espérons donc que dans un futur proche émerge la recomposition de notre organisation maçonnique actuelle dont l'obsolescence et l'impuissance s'est révélée à tous, une recomposition dans le respect de l’esprit des pères fondateurs: une F... M... responsable et conforme aux idéaux professés, fraternelle sans mièvrerie, tolérante sans laxisme, solennelle sans pompes ni falbalas, confiante en même temps que vigilante, et sans discrimination entre les FF respectant les règles de la Régularité maçonnique.
Alors elle méritera le caractère universel auquel elle prétend.
C’est à cela que nous reconnaîtrons nos FF, et que nous accueillerons en retour leur Reconnaissance avec ... reconnaissance.
Bruno Martin