Le Myosotis Occitan

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Regard sur la Franc Maçonnerie


Sortir enfin du musée. Même à reculons !

Publié le 16 Juin 2016, 17:39pm

Sortir enfin du musée. Même à reculons !

La ligne générale de l’allocution du DGM Dominique MOREAU au congrès de Poitiers confirme une ouverture sur l’extérieur, à laquelle nous souscrivons.

Au-delà de cette ouverture, d'abord interdite puis subie, et maintenant brandie comme un trophée qui appellerait des félicitations, l’allocution du DGM révèle aussi des contradictions. Notamment le grand écart auquel le condamne par ailleurs son parcours, de la rébellion contre une gouvernance inique, à l'élaboration d’un appareil qui n’a rien à envier à celui qu’il a combattu.

Bien sûr, c'est le Président-GM qui fixe la ligne, et il n’avait plus d’autre choix que cette ouverture depuis que tout espoir d’obtenir la reconnaissance promise était perdu. Et c'est pour le renoncement à la reconnaissance, et l'ouverture que ce renoncement autorise désormais, que Claude BEAU a osé solliciter les applaudissements de ceux qu’il disait majoritaires à souhaiter cette reconnaissance quand il tentait encore de l’obtenir. C'est bien là ce qui s'appelle "donner un coup de pied dans une porte ouverte pour faire croire qu'elle était fermée".

Et il a exploité la popularité de cette ouverture qu’il n’a pas choisie, à laquelle même il a été conduit malgré lui, pour faire passer par la même ovation les pratiques hautement suspectes de sa gouvernance. Cela n’aurait pas pu marcher avec tout le monde mais cela a marché avec nous, et il ne fait plus de doute hélas que si un stratagème aussi gros a pu réussir, c’est que nous le méritons. 

Après le Président-GM, nous nous sommes donc penchés sur l'allocution plus subtile de son DGM dont nous avons relevé et commenté ci-dessous quelques-uns des mots-clés. Des commentaires à considérer comme des réformes possibles ou des voies à explorer :

 

Loges et GGLL

Les LL sont le, « creuset fondamental » et l’« unique vecteur de l’initiation » (p. 1, §§ 1 et 5).

C’est bien de le dire, mais il faudra enfin comprendre que ce rôle interdit toute intrusion dans leur souveraineté. Et ce, d’autant plus que toutes les dérives que nous déplorons viennent des GGLL. La loge est la seule dimension de groupe, à la fois suffisante pour que des différences s’y expriment et trop intime pour que des calculs personnels y prospèrent longtemps.

La dimension des GGLL, comme toutes les structures qui sortent de la prégnance humaine immédiate, réveille l’orgueil, la cupidité, les vices que la loge s’est attachée à vaincre en son sein, et dont sa dimension familiale la protège. Le "rassemblement de ce qui était épars" ne s'imposait pas. Il a surtout servi à contrôler une démarche maçonnique, certes dispersée, mais potentiellement subversive.

La Loge est UNE, et s’il existe en F.M. un lieu de la transcendance, c’est bien en son sein dont l’intimité fonde le seul vrai secret maçonnique, celui du travail en loge. Un secret qui protège les FF contre d'éventuellles (auto)censures de leurs idées et lève l'inhibition intellectuelle et sociale. Un secret qui les accompagne, par la désaliénation, sur le chemin de l'authenticité.

Les GGLL cultivent des différences pour afficher une identité, et exacerbent des positions contradictoires pour donner une cause, elles diront « un sens », à ceux qui n’en ont pas et qui se jetteront sur l’identité collective que l’on leur offre.

Nous constatons au quotidien combien la position des loges, et plus encore celle des FF qui les ornent, sont plus tolérantes. Les loges sont des organismes vivants et évolutifs qui s’enrichissent par les différences qu’elles côtoient. Cela gêne évidemment ceux qui ont besoin de se rassurer avec des certitudes immuables, dont certains iront jusqu’à considérer que le côtoiement de différences constitue un risque de pollution.

Si elles veulent un avenir au sein de la F.M. les GGLL devraient se cantonner à un rôle de mutuelles de moyens au service des loges.

 

Tolérance

« Quel FM oserait imposer à ses FF sa propre conception du GADLU ? Que son chemin est le seul possible ? » (p.3, § 7).

Voilà des questions auxquelles nous souscrivons, bien entendu, mais nous suggérons au DGM de relire attentivement le rapport (im)moral du Président-GM Claude Beau : « ceux qui n’adhèrent pas à ce projet … partisans de la mixité, de débats sociétaux, d’un repli , … qu’ils se tournent vers d’autres GGLL … », et de réitérer auprès de lui la question qu’il a posée ici.

Ce sera bien aussi de lui répéter ce qui semble être clairement formulé pour la première fois dans notre cénacle : « des règles profanes qui ne se sont imposées que par la paresse conformiste de ceux qui les ont acceptées » (p. 4, § 1). Sur le point des « règles profanes qui se sont imposées », nous espérons qu’il aura bien compris qu'il s'agit des manipulations des statuts et des règlements.

Pour ce qui concerne la « paresse conformiste de ceux qui les ont acceptées », le Président-GM a montré à Poitiers qu’il sait ce que c’est, et qu’il sait pouvoir compter dessus.

 

Spiritualité

La notion de « spiritualité initiatique » (p.1, § 5), ou d’initiation à la spiritualité, mérite un développement. Nous tendons en effet vers une spiritualité débarrassée des croyances médiévales, même si celles-ci en furent le moteur pendant des siècles. Une spiritualité qui permettra de poursuivre une quête sans œillères, sans se bloquer sur aucune hypothèse, et sans préjuger de ce à quoi elle aboutira. L’initiation doit d’abord libérer l’esprit de ces aliénations qui limitent le champ de recherche à des croyances collectives proposées par des prophètes : les explorateurs n’empruntent pas des autoroutes.

Quoiqu’il en soit, il semble qu’il convenait ici de comprendre que cette spiritualité initiatique nous distingue de la F.M. sociétale, qui regrouperait à la fois la F.M. « d’origine anglo-saxonne » (sociétal caritatif) et la F.M. à la Française (sociétal politique). C’est dur de se faire une place au soleil (cf. ci-dessus : Loges et GGLL) !

 

Spiritualiste vs sociétal - image (p.2, § 2)

Notre DGM s’étonne que la F.M. « sociétale » bénéficie d’une plus grande notoriété dans l’opinion que la F.M. « spiritualiste », au point d’imposer une image sociétale à l’ensemble de la F.M. (française). En fait, il n’y a pas lieu de s’en étonner, ni de le regretter. Cette situation résulte du choix de la F.M. « spiritualiste », et donc intimiste, quand elle s’est ainsi elle-même qualifiée.

La F.M. « sociétale » ne s’est jamais elle-même présentée ainsi. Ce sont des GGLL qui se disent spiritualistes qui leur ont attribué cette identité pour s'en démarquer. Peut-être gagnerions-nous à ignorer ce distingo qui ne donne pas la meilleure image de l’universalité à laquelle nous prétendons ?

 

Non mixité

La non mixité serait une « une liberté que nous nous accordons » (p. 1, § 8)C’est là un retournement digne de la « novlangue » d’Orwell, pour désigner en fait une liberté dont nous décidons de nous priver.

Rien ne s’oppose pourtant à ce que des loges souveraines et libres de leur choix, masculines, féminines ou mixtes, coexistent au sein d’une même structure. Toutes les sensibilités seront ainsi respectées pour le plus grand bénéfice de la démarche maçonnique universelle. Pourquoi se définir par l’exclusion plutôt que par la liberté ?

 

Politique et religieux (p.2, § 2)

Les GGLL tentent de justifier les interdits politiques et religieux par le fait que les positions individuelles sur ces sujets sont irrationnelles. Echappant à la raison, ils déchaînent les passions et troubleraient l’harmonie des loges.

C’est vrai, mais c'est aussi un mauvais prétexte pour contourner le fait que la F.M. spéculative dite « régulière » s’est attachée depuis ses origines, à ménager les pouvoirs politiques, à commencer par l'empire britannique, en contenant dans des problématiques inoffensives des groupes qui pouvaient compliquer le débat public (p.1, § 3).

En outre, les FF ne semblent pas réaliser combien ces interdits sont en contradiction avec une démarche qui enseigne la maîtrise des passions … mais interdirait les travaux pratiques !

N’est-il pas dommage de priver la société des hommes, que nous prétendons améliorer, d’un endroit où des échanges, passionnels et rapidement conflictuels ailleurs, pourraient se dérouler dans le respect mutuel.

 

Ateliers de perfectionnement

Ces ateliers dits de « hauts-grades » ou « ateliers supérieurs », dénominations auxquelles on peut préférer le terme anglais des « side degrees », eurent d’abord pour origine la volonté des spéculatifs d’imposer aux opératifs, de tradition orale, une tradition écrite qui les rassurait. Cela donna naissance aux rituels. Ensuite, vint la nécessité de retenir les FF qui désertaient les loges après avoir reçu le bâton de maréchal du vénéralat. Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, l’enthousiasme de prosélytes engendra jusqu’à une centaine de rites qui proposaient une grande variété de mises en scène de l’enseignement maçonnique, et sa segmentation en grades plus ou moins nombreux.

C’est pour ordonner ce joyeux chaos que ces « think tanks » maçonniques se virent imposer d’être reconnus par une GL, laquelle se réservait l’autorité sur les 3 premiers grades de leur échelle de progression initiatique. Ils y gagnèrent une légitimité et un statut de « juridictions ordinales ( ?) » indépendantes.

Mais, les FF de loges différentes qui fréquentent ces ateliers y abordent, et parfois ils y règlent, des questions liées à la vie de leurs loges respectives, ce qui constitue un danger élevé d’influence extérieure dans la souveraineté de la loge.

Quel que soit, enfin, l’intérêt des enseignements sur lesquels prospèrent les side degrees, ils sont parfaitement à la portée des MM, et en particulier des anciens VVMM, dont le devoir, jamais « accompli », implique l’exemple, la transmission, la recherche. A condition de se réapproprier cette partie oubliée de leur rôle.

 

Intervisites

« les intervisites » nous dit le DGM « ne concernent qu’un nombre limité de FF » (p. 3, § 1).

Sans doute, mais là n’est pas le problème. N’y eut-il aucun F pour bénéficier de ce droit qu'aucune GL ne devrait avoir le pouvoir de le limiter. Il en va de la liberté et de la responsabilité de la loge souveraine. Elle accueille qui elle veut avec les précautions qu’elle aura décidées, et elle visite là où elle le souhaite, si elle y est la bienvenue. C’est encore plus vrai au niveau individuel, chacun étant libre de ses choix dès lors qu’il ne les impose à personne d’autre. Toute directive excluante au seul nom d’une GL est abusive.

Quant à la porosité qui ferait courir des risques à la pureté originelle d’un rite, le DGM oppose justement « une ouverture débarrassée des préjugés du passé » (p.3, § 4). Nous ajoutons qu'il n’y a pas d’idée plus malsaine, parmi celles qui nous agitent actuellement, que le prétendu risque lié à cette porosité. Une telle appréhension face à la différence révèle la fragilité des postures et l’incapacité de ceux qui les défendent ainsi à les remettre en question.

Une réflexion permettra de s’en rendre compte et de nous en distancier au plus vite. Quand on pense « traditions immuables », pensons aussi au Grand livre de la nature qui fait apparaître la vie dans les zones d’échanges entre la terre et l’eau. Pensons aussi que c’est l’ouverture des LL opératives à des clercs acceptés qui est à l’origine de la F.M. spéculative, malgré toutes les difficultés que leur intégration avait engendrées.

 

Fonctionnement des institutions

« Tout royaume divisé contre lui-même est dévasté, et une maison s'écroule sur une autre ». Il ne s’agit plus là d’une citation du DGM mais d’un extrait de l’évangile selon Luc (11-17), qui prête ce propos au Christ. A l’évidence, un groupe humain ne peut survivre longtemps à une guerre civile. Une fois défini ce qui réunit des hommes dans un groupe, il faut bien que ses membres s’acceptent et acceptent des différences. Mieux ils le comprendront pour les intégrer et plus ils seront grands. 

La bienveillance (p. 5, §2) est en effet une base nécessaire au fonctionnement des institutions, même quand les textes sont bons. Il faut au moins avoir envie d'être ensemble ! Mais, chez nous comme ailleurs, le problème ne vient pas des FF qui se supportent, s’accordant ou débattant quand leurs idées se démarquent. Cela ne va pas très loin tant que des états-majors ne les jettent pas les uns contre les autres par des consignes que les membres passifs adoptent sans réfléchir et relaient sans convaincre.

La bienveillance va de soi entre hommes de bonne volonté mais elle ne s'entend pas à sens unique, et s'agissant de la relation des membres d'une groupe avec leurs dirigeants, il n'y a pas de complaisance à avoir pour des apparatchiks qui s’estiment si importants qu’ils s'attribuent la noblesse de l’institution qui leur est confiée pour transformer les critiques que leur action suscite en crimes de lèse-majesté. Et quelle bienveillance réserver à un « GM un peu dictateur et pas vraiment démocrate » dont l'absence d'exotisme nous ôte toute envie d'en rire (p.2, § 5) ?

 

Désinformation (p.5, § 2)

Il nous est arrivé en effet de constater des faits de désinformation, mais ils émanaient le plus souvent du sein de notre institution commune et même de ses plus hautes instances. Ce fut le cas dès le départ, mais ce ne fut pas immédiatement décelable, quand Alain Juillet accablait la gouvernance de la GLNF tout en évitant toute procédure qui aurait pu entraîner l’ouverture de ses livres ; puis plus tard sur les chances de reconnaissance à laquelle heureusement nombre de FF étaient indifférents, voire hostiles ; ce fut le cas quand Claude Beau, alors GM élu, diffusa à l’encontre du porteur d’une pétition pour la destitution d’Alain Juillet un communiqué calomniateur, dont la perfidie semble être sa marque de fabrique ; c’est encore le cas avec son rapport (im)moral qui, sur le thème de la « patrie en danger » lance l’opinion contre l’auteur d’un manifeste qui fut pour lui une aubaine ; c’est encore le cas avec les manipulations des statuts modifiés par le Règlement général et des règlements particuliers, sans en référer à une AG ; et cela avait été le cas très tôt dans l’histoire de la GL-AMF avec la diffusion d’un texte de la MREAA qui, en toute simplicité, s’attribuait la représentation régionale de la GL-AMF et, contre tous nos textes, remettait en question le rôle du Conseil de Surveillance.

Sur ce point de la désinformation et de la manipulation, nul doute que nous ayons beaucoup à apprendre de nos instances nationales.

 

Régularité

« la notion obsolète de régularité reconnue qui ne nous concerne plus » (p.3, § 4)

Enfin ! Comment avons-nous pu nous laisser enfermer aussi longtemps dans la prison mentale d’une régularité plastique et d’une reconnaissance arbitraire ? Pourquoi aura-t-il fallu attendre d’avoir perdu tout espoir de l’obtenir pour la condamner ?

La F.M. anglaise s’est appropriée le terme de régularité après simplement s’être donnée une règle. Considérant avoir été la première à le faire, elle en extrapola que toute initiative qui lui serait étrangère serait par nature "irrégulière". Une OPA hostile donc, qui fut couronnée de succès puisque, aujourd’hui encore, l’on n’en finit toujours pas de discuter de régularité sur les bases que la GLUA s’était imposée pour elle-même. Reprenant et pérennisant au XXème siècle, et au plan mondial, des obligations et des interdits liés au contexte politique et social britannique du XVIIIème siècle, et évidemment anachroniques aujourd'hui.

Or, il ne revenait à personne, ni homme ni institution, d’édicter une règle au nom de la F.M. universelle. Il serait temps de cesser de se référer à la GLUA, ou même à « la F.M. des origines » que lui préfère maintenant notre DGM (p.1, § 8), pour reconstruire un édifice avec les matériaux et les outils du siècle, à partir des libertés et de la loi morale qui guide « les hommes d’honneur et de probité qui ne font pas à autrui ce qu’ils ne voudraient pas qu’on leur fasse ».

 

Reconnaissance

Le besoin de reconnaissance, et l’auto-enfermement dans la « régularité » londonienne, sont tels que nombre de GGLL persiste à courir après la reconnaissance de la GLUA, confortant celle-ci dans sa position de référence. Dans l’espoir d’obtenir cette reconnaissance, certaines GGLL se livrent à des surenchères règlementaires et à des exclusions catégoriques qui les éloignent toujours plus de la cathédrale universelle entrevue il y a trois siècles.

Mais la seule reconnaissance qui vaille n’est pas celle d’une organisation. C’est « mes FF me reconnaissent pour tel ».

 

Conférences régionales

Nous avons, à Toulouse, tout lieu d’être satisfaits de l’intérêt pour les conférences régionales « pour animer les relations entre les loges sur un plan local mais aussi pour en faire un relai d’information et d’échanges continu » ... puisque c’est précisément l’objet que s’était fixé la « Conférence permanente des VVMM en chaire de Midi-Pyrénées » … en Mars 2013. Cette instance informelle qui avait été acceptée par les VVMM de la région (sauf 1) fut néanmoins boycottée par la MREAA, largement majoritaire, ce qui conduisit à son abandon. Elle réapparait aujourd’hui dans la proposition du DGM, et c’est très bien.

 

Statuts

C’est bien de promettre la réforme des statuts, surtout sans jamais avoir admis leur faiblesse ni reconnu les honteuses manipulations que leur rédaction a rendu possibles. Quid de leur contournement via le Règlement général et les Règlements particuliers, pour protéger l’appareil et sanctionner les critiques ? Quid de la complicité des instances de régulation ?

Les GGLL doivent leur autorité à la délégation des loges. Celles-ci sont toujours fondées à demander à un exécutif ce qu’il est fait du mandat qu’elles lui ont confié.

Il faudra plus qu’une bonne intention repoussée aux calendes grecques (2018) pour retrouver la confiance de ceux qui refusent de se droguer à cette « paresse conformiste » enfin qualifiée.

 

Et une bonne résolution pour finir

« nous n’interviendrons jamais, ni auprès de …, ni auprès de … », (p.4, § 8)

C’est bien noté !

 

Rédacteur

Pierre Lanjuin

GL-AMF 2677

 

 

 

 

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