Soucieuse de manifester son respect de l’indépendance des rites, malmenés à la GLNF, l’Alliance leur a réservé un espace interne, les « Maisons », desquelles doit être issu le GM, à tour de rôle.
C’est donc légitimement que le Conseil des Sages a rejeté les candidatures (dont la mienne) émanant du rite pratiqué par le GM Alain Juillet … lequel rite n’était malheureusement pas précisé dans un dossier qui détaille pourtant minutieusement les conditions à remplir par les candidats.
Certes, la très large délégation dont bénéficie la maison du REAA, au-delà de ses attributions statutaires, et l’oreille complaisante qui a été prêtée à ses membres par les instances de régulation, permettait de supposer cette appartenance, mais l’évidence ne fait pas loi.
Quoiqu’il en soit, mes vœux sincères accompagnent Claude B., candidat unique à la charge de GM de la GL-AMF, seul retenu par le Conseil des Sages. J’espère qu’il écoutera les voix qui viennent des LL, au-delà de la majorité, par définition silencieuse, que son prédécesseur oppose péremptoirement aux velléités critiques.
D’ores et déjà, pour participer à l’enrichissement de son mandat je lui soumets les réflexions suivantes :
La F.M. spéculative œuvre au service d'un idéal de Fraternité par le perfectionnement moral de ses membres, par la libération de leurs aliénations, et l'exemple de leur comportement.
Ainsi est-elle pour l'homme un outil, et non une finalité, et doit-elle évoluer avec lui en intégrant ses acquis. Elle a tenté de le faire au XVIIIème siècle lors de son rendez-vous manqué avec les Lumières, lorsqu'elle a choisi, derrière la GLLW puis la GLUA, de se réfugier dans les lumières du passé plutôt que d'en éclairer l'avenir.
L'Homme s'embarrasse ainsi parfois de fixations, mais néanmoins il progresse naturellement et spontanément, et :
"Si l'humanité s'était cantonnée dans le traditionnalisme, peut-être en serions-nous encore "à la civilisation du Néanderthal !"
"Adoptons plutôt la définition donnée par Paul Valéry: "La véritable tradition n'est point de "refaire que les autres ont fait, mais de retrouver l'esprit qui a fait ces choses et qui en ferait "de tout autres en d'autres temps"
(Patrick A., GL-AMF, Maison du REAA, Transmission n°3, extrait)
Je souscris à la sagesse du propos et à l'opportunité de cette citation qui peut inspirer la recomposition en cours du "paysage maçonnique français". Encore faudra-t-il être conscients qu'il implique une distinction qui n'a pas été faite entre tradition et archaïsme, et en particulier l'abandon, entériné par les sociétés avancées, de toute discrimination. Rien ne presse. Il suffit de savoir que c’est inéluctable, et d’accompagner le sens de l'Histoire, sans la forcer, et même avec une « infinie prudence », au lieu de la bloquer.
La GL-AMF, "l'Alliance", dans son premier élan, l'a bien compris et elle s'est libérée des ors, des décors et des titres surannés, constatant enfin leur incohérence et même leur évidente contradiction avec la prudence que nous affichons à l'égard des métaux et avec l'humilité sans laquelle la démarche maçonnique n'a aucun sens.
Mieux encore, l'Alliance a participé activement à la naissance de la Confédération Maçonnique de France, et par celle-ci, au rassemblement d'obédiences qu'une F.M. «régulière, et reconnue ... par elle-même» s'autorise à exclure.
L'Alliance Maçonnique Française, par ses choix et par son action au sein de la Confédération Maçonnique de France, est au cœur du nouveau paradigme qui réveille la F.M. de son sommeil plusieurs fois séculaire pour qu'elle apparaisse enfin universelle, telle qu'elle prétend improprement l’être depuis trois siècles.
Puisse l'Alliance poursuivre et amplifier ses efforts pour faire partager l'esprit de compréhension et de tolérance qui a guidé ses premiers pas. Mais cela ne peut se limiter à un vœu pieux. Ces valeurs et principes impliquent des positions et des dispositions courageuses, notamment :
Au plan de l'organisation interne:
- Affirmer que les LL sont bien les cellules souches de la F.M. ; que si les GGLL constituent un lien nécessaire entre elles et une identité commune vis à vis des autorités civiles et des autres institutions maçonniques, elles restent l'émanation des LL et n'existent que comme délégataires de leur autorité ;
- Préciser et encadrer les relations de notre GL avec les juridictions ordinales qui, si elles ne sauraient en être dépendantes, ne peuvent non plus prétendre contrôler ni les LL ni l'Alliance ;
- Garantir la stricte séparation des activités civiles d’une part, et des rites d’autre part ;
- Libérer la Foi: être laïc ne relève pas nécessairement d'un scepticisme stérile. Un "cherchant" sincère peut trouver dans les confessions dogmatiques trop de contradictions entre les valeurs professées et les comportements observés pour y adhérer. Et la simple « aptitude à croire » de l’homme de bonne volonté libéré de la crédulité et des aliénations par sa capacité critique, constitue le fondement même de la Liberté, évidemment compatible avec l'engagement maçonnique, trop souvent et indument confessionnalisé.
Au plan des relations extérieures:
- Affirmer haut et fort l'appartenance de la GL de l'Alliance Maçonnique Française à la F.M. universelle;
- Ouvrir, ou pérenniser le dialogue avec l'ensemble des institutions maçonniques et, en toutes occasions, bannir tout ostracisme dogmatique, y compris envers ceux qui croient s'y reconnaitre ;
- Affirmer l'indépendance de la GL-AMF vis à vis de toute autre institution maçonnique, et ce, en quelque point que ce soit ;
- Œuvrer, par l'étude et le dépoussiérage des textes, à l'élaboration de choix entre Tradition et archaïsme ;
Entre autres …
Pierre Lanjuin