Les échanges relatifs à la Reconnaissance et à la Régularité, lors des réunions et au long des commentaires reçus, montrent que souvent la confusion règne entre ces 2 états propres aux LL et GGLL maçonniques
Plusieurs auteurs récents se sont exprimés sur le sujet. Nous les avons visités et vous proposons leurs références et quelques extraits qui nous ont paru éclairants :
La REGULARITE
Les textes anciens ne sont pas toujours directement transposables à la franc-maçonnerie moderne, dite "spéculative" sans une interprétation métaphorique. Les textes relatifs à la Régularité n’y échappent pas. Différents selon les époques et les régions, ces textes furent "refondus" à l'époque d'Anderson dans une synthèse qui fut contestée dès son origine, alimentant le conflit des "Antients" et des "Moderns".
Au fil du temps néanmoins, la plupart des obédiences se sont plus ou moins accordées sur un ensemble de règles, formulées de manière suffisamment souple, et parfois dénommées « critères de régularité », pour aboutir à la notion de « régularité maçonnique ». Ces critères, ou basic principles, ont été validés par la GLUA, une première fois en 1929. Une nouvelle rédaction prenant en considération l’évolution de la pensée moderne a vu le jour en 1989, suivie d’une « Clarification » en 2007.
Pour être REGULIERE, une GL se doit donc de respecter ces critères qui définissent la conformité maçonnique de son travail et de son organisation, MAIS, si cette REGULARITE est indispensable pour prétendre à la RECONNAISSANCE. Elle n’y donne pas droit pour autant. Une GL peut donc être régulière, sans être reconnue.
Cette rédaction réunit les 8 principes de base de la régularité (Basic Principles for Grand Lodge Recognition) adoptés par la GLUd’A le 4 septembre 1929:
1. La régularité d'origine : chaque GL doit avoir été dûment et régulièrement constituée par une GL reconnue ou par au moins trois Loges régulières.
2. La croyance dans un Etre Suprême doit être une caractéristique essentielle pour ses membres.
3. Tous les Initiés doivent prendre leurs obligations sur le Volume de la Loi Sacrée ouvert et bien en vue.
4. Tous les membres de la Grande Loge et de ses Loges doivent être composés exclusivement d'hommes et aucune Grande Loge ne doit entretenir des relations maçonniques avec des Loges mixtes ou des organisations acceptant des femmes.
5. La Grande Loge doit être souveraine sur toutes les Loges de sa juridiction. Elle doit être une organisation responsable, indépendante et autonome et la seule à exercer une autorité incontestée sur les Degrés Symboliques (Apprenti, Compagnon et Maître) dans sa juridiction. Elle ne peut être subordonnée ou partager son autorité avec un Suprême Conseil ou tout autre Puissance revendiquant quelque autorité ou contrôle sur ces degrés.
6. Les trois Grandes Lumières de la Franc-Maçonnerie (à savoir le Volume de la Loi Sacrée, l'Equerre et le Compas) doivent toujours être exposées lors des Travaux de la Grande Loge ou de ses Loges, la principale étant le Volume de la Loi Sacrée.
7. Toute discussion touchant à la religion ou à la politique est strictement interdite en Loge.
8. Les principes des Anciens Landmarks, coutumes et usages de la Maçonnerie doivent être strictement respectés.
1. Toute GL doit avoir été légalement constituée par une Grande Loge régulière ou par trois Loges particulières ou plus, si chacune d'entre elles a été légitimée par une Grande Loge régulière.
2. Elle doit être véritablement indépendante et autonome, et avoir une autorité incontestée sur la Franc-maçonnerie du Métier - ou de base - (c'est-à-dire les degrés symboliques d'Apprenti, de Compagnon et de Maître) au sein de sa juridiction, et ne pas être sous la dépendance, ni partager son pouvoir en aucune manière avec aucun autre organisme Maçonnique.
3. Les Francs-Maçons placés sous sa juridiction doivent croire en un Être Suprême.
4. Tous les Francs-Maçons placés sous sa juridiction doivent prendre leurs Obligations sur ou en pleine vue du Volume de la Loi Sacrée (qui est la Bible) ou sur le livre qui est considéré comme sacré par l'homme concerné.
5. Les trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie (qui sont le Volume de la Loi Sacrée, l'Equerre et le Compas) doivent être exposés quand la Grande Loge ou ses Loges Subordonnées sont ouvertes.
6. Les discussions politiques et religieuses doivent être interdites dans ses Loges.
7. Elle doit adhérer aux principes établis (les "Anciens Landmarks") et aux coutumes du Métier, et insister pour qu'ils soient observés au sein de ses Loges.
Indépendamment de la formulation modifiée d’une version à la suivante, il n’aura pas échappé que 7 critères répondent en 1989 aux 8 critères de 1929.
La disparition du critère n°4 constitue une évolution considérable qu’il serait bon dans les circonstances actuelles de garder à l’esprit : « Tous les membres de la Grande Loge et de ses Loges doivent être composés exclusivement d'hommes et aucune Grande Loge ne doit entretenir des relations maçonniques avec des Loges mixtes ou des organisations acceptant des femmes. »
Les Landmarks
Les basic principles ne manquent pas par contre de rappeler au respect des landmarks dont l’origine est à rechercher beaucoup plus loin dans l’histoire.
Traditionnellement, les landmarks étaient, pour les maçons opératifs, des marques au sol délimitant la surface de l’édifice à construire et permettant ainsi d’en définir l’étendue et la forme.
La première mention maçonnique de ce mot apparaît dans les Constitutions d’Anderson de 1723 à la page 70 qui termine les « Règlements Généraux », préalablement recueillis par George Payne en 1720 et insérés par le célèbre pasteur dans son ouvrage paru trois ans plus tard.
Les Landmarks ont leur origine dans les Anciens Devoirs, ou " Old Charges ", décrites dans plusieurs manuscrits, tels le Régius (1390), le Cooke (1400) ), qui édictent les différents devoirs d'un Maçon de métier. Les Landmarks qui sont d'origines géographiques diverses, forment le socle de la pratique Maçonnique. Ils diffèrent parfois quelque peu d'un continent à l'autre, mais restent facilement identifiables grâce à la nature trinitaire incontournable qui les compose par essence :
- Immémoriale,
- Immuable
- Inabrogeable.
De plus, les Landmarks ont toujours conservé les invariants suivants:
- La croyance en Dieu
- Le comportement moral, fraternel et bienfaisant.
- Le respect des lois de la cité
- L'obéissance aux lois et règlements du Métier
- Le serment et le secret sur nos Travaux
- Les modes de reconnaissance
- L'égalité de tous les Maçons.
Ces landmarks sont codifiés de différentes manières dans le monde maçonnique : en France on les retrouve pour partie dans la règle en 12 points (cf). Pour la maçonnerie anglo-saxonne, c’est la liste du Dr MACKEY en 25 points qui sert plutôt de référence :
- LES MODES DE RECONNAISSANCE SONT, DE TOUS LES LANDMARKS, LES PLUS LEGITIMES ET NON DISCUTABLES.
- LA DIVISION DE LA MACONNERIE SYMBOLIQUE EN TROIS DEGRES.
- LA LEGENDE DU 3ème DEGRE.
- LE GOUVERNEMENT DE LA FRATERNITE PAR UN OFFICER QUI PRESIDE, APPELE GRAND MAITRE, LEQUEL EST ELU PAR L'ENSEMBLE DES FRERES
- LA PREROGATIVE DU GRAND MAITRE DE PRESIDER TOUTE ASSEMBLEE DE MACON QUEL QUE SOIT LE LIEU OU LE MOMENT A LAQUELLE ELLE SE TIENT
- LA PREROGATIVE DU GRAND MAITRE D'ACCORDER DES DISPENSES POUR CONFERER DES DEGRES EN DEHORS DES MOMENTS PREVUS.
- LA PREROGATIVE POUR LE GRAND MAITRE DE DONNER DES DISPENSES POUR OUVRIR ET TENIR DES LOGES.
- LA PREROGATIVE POUR LE GRAND MAITRE DE CREER UN MACON "A VUE"
- LA NECESSITE POUR LES MACONS DE S'ASSEMBLER EN LOGES.
- LE GOUVERNEMENT DES FRERES, LORSQU'ILS SONT RASSEMBLES EN LOGE, PAR UN MAITRE ET DEUX SURVEILLANTS.
- LA NECESSITE QUE CHAQUE LOGE A, LORSQU'ELLE S'ASSEMBLE, DE SE METTRE A COUVERT.
- LE DROIT POUR CHAQUE MACON D'ETRE REPRESENTE DANS TOUTES LES ASSEMBLEES DE L'ORDRE ET DE DONNER DES DIRECTIVES A SES REPRESENTANTS
- LE DROIT POUR CHAQUE MACON DE FAIRE APPEL DE LA DECISION DE SES FRERES EN LOGE AUPRES DE LA GRANDE LOGE OU D'UNE ASSEMBLEE GENERALE DE MACONS.
- LE DROIT POUR CHAQUE MACON DE VISITER ET DE S'ASSEOIR DANS TOUTE LOGE REGULIERE
- AUCUN VISITEUR NON CONNU DES FRERES PRESENTS, OU DE QUELQUES-UNS UNS D'ENTRE EUX, COMME MACON NE PEUT ENTRER SANS ETRE TUILE SELON LES ANCIENS USAGES.
- AUCUNE LOGE NE PEUT INTERFERER DANS LES AFFAIRES D'UNE AUTRE LOGE, NI CONFERER DES DEGRES A DES FRERES MEMBRES D'UNE AUTRE LOGE.
- CHAQUE FRERE EST SOUMIS AU REGLES ET LOIS DE LA JURIDICTION MACONNIQUE DANS LAQUELLE IL RESIDE.
- CERTAINS CRITERES DE QUALIFICATION POUR L'INITATION DE CANDIDATS PROVIENNENT DE LANDMARK DE L'ORDRE TELS QUE : LE CANDIDAT DOIT ETRE UN HOMME, SANS INFIRMITE, NE LIBRE, ET AVOIR UN AGE MATURE
- LA CROYANCE EN L'EXISTENCE DE DIEU COMME GRAND ARCHITECTE DE L'UNIVERS.
- EN COROLLAIRE A LA CROYANCE EN DIEU, EST LA CROYANCE EN LA RESURRECTION A UNE FUTURE VIE.
- UN "LIVRE DE LA LOI" CONSTITUERA UNE PARTIE INDISPENSABLE DES DECORS DE LA LOGE
- L'EGALITE DE TOUT MACON.
- LE SECRET DE L'INSTITUTION.
- LA FONDATION D'UNE SCIENCE SPECULATIVE BASEE SUR UN ART OPERATIF, ET L'USAGE SYMBOLIQUE ET L'EXPLICATION DES TERMES DE CET ART A DES FINS RELIGIEUSES OU D'ENSEIGNEMENT MORAL.
- LE DERNIER LANDMARK QUI COURONNE LES PRECEDENTS EST QUE CES LANDMARKS NE PEUVENT EN AUCUN CAS ETRE CHANGES.
Une fois ceci intégré, chacun devrait être en mesure de savoir s’il appartient ou non à une GL régulière.
Cela n’est pas aussi clair pour ce qui concerne la Reconnaissance, laquelle ne dispose pas de « réréférentiel », comme il en est pour la Régularité, aussi contestés aient été les basic principles.
La RECONNAISSANCE
La Reconnaissance relève du choix souverain de GGLL qui se cooptent. Cette décision s’appuie sur la Régularité, mais pas seulement : d’autres éléments, historiques, culturels, voir politiques, participent de cette décision finalement subjective.
En bref, si la Régularité ne se décrète pas, elle se constate puisqu’elle résulte du respect d’un certain nombre de règles, a contrario la Reconnaissance relève d’une décision souveraine de 2 entités qui sanctionnent ainsi leur communauté de valeurs :
La reconnaissance est un acte bilatéral entre deux entités souveraines qui doivent prendre leurs propres décisions à partir d'appréciations dont elles n’ont pas à répondre. Toutefois, la régularité reste la condition requise quels que soient les autres critères qui fondent la décision des GGLL qui se reconnaissent.
Si une GL octroie la reconnaissance à une autre GL, elle considère que celle-ci remplit les principes de base, qu'elle pratique une Franc-Maçonnerie régulière, que ses membres pourront sans difficulté visiter ses Loges et que de son côté, elle pourra accueillir les membres de cette GL dans ses Loges. La reconnaissance n'est pas un droit mais un privilège. La régularité ne confère pas automatiquement la reconnaissance, d'autres facteurs entrent en ligne de compte:
Par exemple, Si une GL reconnaît déjà une Grande Loge d’un autre pays, normalement elle ne va pas reconnaître une autre Grande Loge sur le même territoire à moins que ces GGLL y consentent et se reconnaissent entre elles (par ex : Allemagne, Brésil, Australie, Colombie, etc.) ; Si deux GL, travaillant régulièrement (mais ne sont pas encore reconnues), occupent un territoire mais ne se reconnaissent pas entre elles, il convient de les inviter à aplanir leurs différends afin de permettre de les reconnaître toutes deux.
Cette merveilleuse complexité ouvre la porte, vous l’avez compris, à de nombreuses interprétations, à tel point que la GLUA, par la voix de son Pro-GM, estime à nouveau nécessaire en 2007 d’apporter des éclaircissements sur les notions de Régularité et de Reconnaissance. Il reconnaît ( !) que chacun fait comme il l’entend au nom de la souveraineté des entités maçonniques, et que la GLUA est comme les autres, libre et souveraine et pas plus, que donc ses décisions n’engagent qu’elle, faisant semblant d’ignorer que toute la F…M… internationale est suspendue à ses décisions.
Derrière cette fuite de responsabilité qui ne trompe personne, la GLUA va néanmoins montrer un peu de courage en admettant que : « les sujets de reconnaissance entre obédiences traditionnelles étaient souvent d'ordre politique et non pas qualitatifs». Ce n’est pas rien !
En 2007, le Pro-Grand Maître de la GLUA a clarifié la position britannique sur les sujets de reconnaissance.
Dans son allocution devant les représentants d'obédiences européennes reconnues par la Grande Loge Unie d'Angleterre et d'obédiences non reconnues, mais respectant la tradition et les règles de la franc-maçonnerie, il a précisé que:
Plusieurs obédiences peuvent être considérées comme régulières dans chaque pays ou région. Il n'appartient pas à la GLUA d'en juger au préalable, mais à l'obédience reconnue et à ces dernières de s'entendre.
La reconnaissance par une obédience reconnue d'une autre obédience n'implique absolument pas la reconnaissance de la GLUA...
... Par conséquent une obédience reconnue par la GLUA peut parfaitement reconnaître des obédiences non reconnues par la GLUA.
Par cette clarification, le Pro GM a ainsi mis dos à dos les obédiences qui rejetaient sur la GLUA les sujets liés à la "Régularité" et a souligné que les sujets de reconnaissance entre obédiences traditionnelles étaient souvent d'ordre politique et non pas qualitatifs.
Le rappel de ces éléments nous a semblé utile pour contribuer à la réflexion en cours sur la recomposition du paysage maçonnique. Vous aurez constaté qu’ils sont aussi riches d’obligations et d’interdits que d’interprétations pour ne pas les dramatiser.
Bruno Martin
Bibliographie :
http://www.fideliteprudence.ch/regularite_reconnaissance.htm
http://misraim3.free.fr/franc-maconnerie/Lesbasicprinciples.pdf
http://www.franckbailly.fr/deh/www/Documents/planches/1/landmark/landmarks.htm
http://tsmr.org/1989-ugle-basic-principles.html
http://hautsgrades.over-blog.com/article-317714.html